Par Yorck Diergarten

La promotion des investissements directs allemands dans les domaines pertinents pour les objectifs de développement durable comprenant les garanties d'investissement du gouvernement fédéral

Pixabay-Sammelbox für Geld-Geld-Grüne Pflanzen

Yorck Diergarten*: Département des garanties d'investissement au Ministère Fédéral de l'Économie et de la Protection du Climat.

La pandémie de COVID-19 a non seulement entraîné un effondrement des flux d'investissement mondiaux en 2020, mais a également anéanti une grande partie des progrès réalisés ces dernières années visant la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.

En même temps, ledit déficit de financement des ODDs, c'est-à-dire la somme des capitaux jusqu’à présent manquants pour atteindre ces objectifs mondiaux, et qui a augmenté d'environ 2,5 billions USD par an, à au moins 3,7 billions USD. La mobilisation de fonds supplémentaires pour les domaines pertinents des ODDs est donc essentielle pour la mise en œuvre réussie du Programme 2030.

Dans ce contexte, l'article présente l'instrument allemand de garantie des investissements, à travers lequel le gouvernement fédéral offre depuis les années 1960 la possibilité de protéger les projets d'investissement allemands éligibles dans les pays émergents et en voie de développement contre les risques politiques tels que l'expropriation ou les restrictions à l'exportation de capitaux.

Après une explication du fonctionnement de cet instrument, on va montrer comment il contribue également à orienter les capitaux privés vers les secteurs pertinents pour les ODDs dans le Sud Global. Enfin, l'article décrit comment les garanties d'investissement pourraient fonctionner à l'avenir dans le cadre d'une politique d'investissement globale encore plus fortement axée sur les ODDs.

1. Introduction

La pandémie de COVID-19 a entraîné un effondrement brutal des flux d'investissement mondiaux. Selon les chiffres de l'organisation onusienne CNUCED, le volume mondial des investissements directs étrangers est passé d'environ 1,5 billion en 2020 USD à moins de 1 billion USD. Certains pays en voie de développement ont également été durement touchés par cette baisse.

Alors que le volume des investissements en Asie n'a baissé que d'environ 4% en 2020, les flux d'investissement dirigés vers l'Afrique ou l'Amérique du Sud et les Caraïbes ont chuté de 18% voire 37% par rapport à l'année précédente1. Les flux d'investissement n'ont repris que modérément en 2021, en particulier dans le groupe des pays les moins avancés (Least Developed Countries, PMA)2.

En même temps, la pandémie a anéanti une grande partie des progrès réalisés ces dernières années visant la réalisation des Sustainable Development Goals (ODD), c'est-à-dire les objectifs de développement durable des Nations Unies.

En 2020, un total de 90 des 112 pays à revenu faible ou intermédiaire tels que définis par l'organisation des pays industrialisés l’OCDE, ont connu une récession, un rétrécissement des marges de manœuvre financières et une augmentation significative du taux de pauvreté; une grande partie de la population a perdu l'accès aux services gouvernementaux de base dans les domaines de l'éducation et de la santé.

La baisse des recettes publiques accompagnée parallèlement d’une augmentation des dépenses pour lutter contre la pandémie a déjà causé l'énorme déficit du financement des ODDs ("SDG Financing Gap") qui s’est explosé avant la crise d’un montant qu'il faudrait investir pour assurer la réalisation des ODDs, de 2,5 billions USD par an vers au moins 3,7 billions USD par an.

La mobilisation de capitaux supplémentaires pour les domaines pertinents des ODDs est donc requise de toute urgence pour la mise en œuvre du Programme 2030, également à la lumière du Programme d'action d'Addis-Abeba3.

Les garanties d'investissement, qui sont émises par l'agence de la banque mondiale MIGA, mais aussi par les gouvernements de nombreux pays industrialisés afin de protèger les projets d'investissement contre les risques politiques, peuvent également contribuer à orienter les capitaux privés vers les secteurs pertinents pour les ODDs.

Pour les investisseurs, ces garanties sont un instrument essentiel d'atténuation des risques et sont par conséquent souvent indispensables à la mise en œuvre de projets dans des conditions caractérisées par un cadre politique fragile, d'autant plus que les options d'assurance du secteur privé ne sont souvent pas disponibles.

Cette contribution présente l'instrument allemand de garantie des investissements (2.) et montre comment il peut être utilisé pour contrôler les investissements, en particulier dans les domaines pertinents pour les ODDs dans les pays en voie développement (3.).

2. Les garanties fédérales d'investissement

Dans le but de rendre plus attractifs les investissements privés dans les pays émergents et en voie de développement, le gouvernement fédéral allemand offre depuis les années 1960 des garanties d'investissement.

L'instrument allemand offre également aux investisseurs la possibilité de protéger leurs projets étrangers contre toute une série de risques politiques, tels que l'expropriation des sociétés de projet, la destruction des fonds de roulement en cas de guerre ou l'imposition de restrictions à l'exportation de capitaux par le gouvernement du pays d’accueil.

Trois conditions préalables sont pertinentes pour la prise en charge des garanties d'investissement : premièrement, le projet à couvrir doit avoir le caractère d'un investissement. Il s'agit notamment des contributions dans des sociétés de projet étrangères ou des prêts dits participatifs, qui sont associés au fait que l'investisseur exerce une influence majoritaire sur la filiale bénéficiaire.

Dans tous les cas, l'investissement doit être réalisé par un investisseur allemand. Deuxièmement, la prise en charge d'une garantie d'investissement exige une protection juridique suffisante pour le projet dans le pays d'accueil. Cette condition est généralement remplie par un traité bilatéral de promotion et de protection des investissements (IFV) conclu entre la République fédérale d'Allemagne et l'État d'accueil.

Après le transfert des compétences des États membres en matière de politique commerciale, y compris la protection des investissements, à l'Union européenne, qui a eu lieu en 2009 avec le traité de Lisbonne, les accords commerciaux conclus par l'UE avec des pays tiers, qui disposent souvent d'un chapitre spécifique sur la protection des investissements, sont devenus de plus en plus pertinents à cet égard. Dans certains cas, l'ordre juridique national de l'État d'accueil peut également servir de base juridique, pour autant qu'il soit suffisamment stable.

Troisièmement, le projet doit être un projet d'investissement éligible. Pour cela, il faut que le projet ait des effets positifs tant sur le pays d'accueil - par exemple en créant des emplois, en améliorant l'infrastructure ou en permettant un transfert de technologie - que sur la République fédérale d'Allemagne.

Pour qu'un projet d'investissement soit éligible, il doit également respecter les exigences fondamentales en matière d'environnement, de droits sociaux et de droits de l'homme, conformément aux normes de performance de la SFI du Groupe de la Banque mondiale, reconnues au niveau international4.
L'examen des conditions d'octroi d'une garantie d'investissement est effectué par PricewaterhouseCoopers GmbH Wirtschaftsprüfungsgesellschaft (PwC), qui a été chargé par le gouvernement fédéral de gérer l'instrument.

Les demandes de projets qui répondent aux exigences sont soumises par PwC à un comité dit interministériel (IMA), composé du ministère fédéral de l'Économie et de la Protection du climat, du ministère fédéral des Affaires étrangères, du ministère fédéral des Finances et du ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement, qui se réunit au total six fois par an. L'IMA décide de l'acceptation des demandes par consensus. S'il y en a une, le projet est couvert contre le paiement d'une prime de garantie annuelle et un certificat de garantie est délivré à l'investisseur.

Dans la plupart des cas, les projets couverts par une garantie d'investissement se déroulent sans problème. En cas de difficultés, la priorité est donnée à l'accompagnement diplomatique du projet d'investissement concerné - en collaboration avec le pays d'accueil, il s'agit d'éliminer les problèmes qui se sont posés et de créer une perspective de poursuite du projet.

Pour ce faire, le gouvernement fédéral entre en contact avec les autorités du pays d'accueil par le biais de ses canaux de discussion au niveau des départements et de ses représentations à l'étranger. Un sinistre ne survient que si la gestion de crise du gouvernement fédéral reste infructueuse et que les difficultés rencontrées ne peuvent être surmontées en collaboration avec le pays d'accueil : Si le projet ne présente plus aucune perspective de poursuite et que les conditions d'un sinistre sont remplies, l'investisseur reçoit une indemnisation correspondant au maximum à la valeur actuelle de son projet d'investissement, déduction faite d'une franchise.

D'un point de vue juridique, il y a alors régulièrement transfert de la créance en dommages-intérêts que l'investisseur détient à l'encontre de l'État d'accueil en vertu du droit international ou national. Après le paiement de l'indemnisation, cette créance est transférée à l'État fédéral, qui la fait ensuite valoir auprès de l'État hôte. Aucune autre garantie d'investissement n'est accordée pour les projets d'investissement situés dans l'État d'accueil jusqu'au paiement de la créance d'indemnisation impayée par ce dernier.

Depuis leur création dans les années 1960, les garanties d'investissement de l'État fédéral sont constamment utilisées par les entreprises. En 2020, les investissements couverts par des garanties s'élevaient à environ 28 milliards d'euros. Dans le cercle de l'Union de Berne et de l'association des assureurs d'investissement internationaux, l'instrument allemand occupait ainsi la deuxième place en termes de volume de garantie5.

Les régions cibles des projets couverts par des garanties d'investissement sont en particulier l'Asie et l'Europe de l'Est, avec respectivement 43% et 34% du volume total de la garantie ; l'Amérique du Sud et centrale et l'Afrique suivent avec une part d'environ 13% et 10%6.

3. Impact des garanties d'investissement sur les ODDs

Contrairement à l'instrument de garantie MIGA, les garanties d'investissement allemandes ne servent pas principalement à des fins de financement du développement7, mais plutôt à un objectif de politique commerciale extérieure. Néanmoins, il existe de nombreux liens entre les projets qu'elles couvrent et les objectifs de développement durable des Nations unies.

En créant des emplois dans le pays d'accueil, les projets soutenus peuvent contribuer à la réalisation des ODD 8 et 9, qui exigent entre autres le plein emploi mondial d'ici 2030 et une augmentation significative de la part de l'industrie dans l'emploi. Des normes élevées de la part des sociétés de projet en matière de gestion des risques environnementaux et de sécurité au travail, telles qu'elles sont requises pour la prise en charge d'une garantie d'investissement, ont un effet positif sur les objectifs fixés dans les ODD 3, 8 et 12, à savoir une réduction de la des maladies et des décès liés à l'environnement, une amélioration des conditions de travail à l'échelle mondiale et une gestion durable des ressources naturelles.

L'instrument de garantie en tant que tel contribue également à l'ODD 17, qui prévoit la mobilisation de capitaux privés supplémentaires pour les pays en développement. Ainsi, sept des 13 pays cibles pour lesquels des garanties d'investissement ont été accordées en 2020 étaient des pays qualifiés de pays à revenu intermédiaire de la Banque mondiale8.

Cet effet positif des garanties d'investissement en direction des ODD a été renforcé ces dernières années par deux mesures du gouvernement fédéral : Premièrement, dans le cadre de l'initiative Compact with Africa, de meilleures conditions sont entrées en vigueur en 2017 pour les projets d'investissement privés dans 12 pays partenaires africains au total, dont l'Égypte, le Ghana, le Sénégal et la Tunisie.

Depuis lors, les projets situés dans ces pays bénéficient d'une réduction de la franchise et, sous certaines conditions, de la suppression des frais de demande habituels. Deuxièmement, le gouvernement fédéral a pris les premières mesures fin 2020 pour aligner plus étroitement les garanties d'investissement sur les objectifs de l'accord de Paris sur le climat.

Il s'agit d'une part d'incitations plus fortes pour les investissements dans des projets d'énergie renouvelable tels que les parcs solaires ou éoliens. Pour ces projets, il est désormais possible d'obtenir une couverture plus complète contre le non-respect des engagements de paiement de l'État pour des motifs politiques, notamment dans les pays des catégories de risque 6 et 7 de l'OCDE et donc dans la majorité des États africains.

Pour les projets d'investissement dans le domaine des énergies renouvelables, dont le modèle commercial repose généralement sur des contrats d'achat d'électricité à long terme avec des institutions des pays hôtes, cela représente une amélioration considérable, et pour les garanties d'investissement, une contribution plus importante à l'augmentation significative de la part des énergies renouvelables dans la production mondiale d'énergie d'ici 2030, comme le préconise l'ODD 7.

D'autre part, la prise en charge de garanties pour certains projets nuisibles au climat dans le domaine de la production d'électricité à partir de charbon et de l'extraction de pétrole a été limitée en 2020. Dans le contexte de la dynamique actuelle de la politique internationale de protection du climat, il faut s'attendre à une nouvelle extension des garanties d'investissement dans cette direction dans les années à venir.

Un instrument de garantie global lié aux ODD ne peut toutefois constituer qu'un élément d'une politique d'investissement mondiale orientée vers les objectifs de développement durable de l'ONU. Il est donc essentiel de simplifier les conditions pour les investissements directs étrangers dans les pays d'accueil, d'améliorer la sécurité juridique dans ces pays, d'intensifier la coopération entre les agences d'investissement des pays industrialisés et des pays en développement, ainsi que d'effectuer une réforme en ce qui concerne la protection des investissements en droit international public conformément aux objectifs de l'Accord de Paris sur le climat et aux exigences des ODD, en reconnaissant clairement le "droit de réglementer" de l'État pour atteindre des objectifs en matière de politique sociale, climatique et environnementale et en imposant le respect des exigences minimales en matière de droits de l'homme dans les projets d'investissement étrangers.

Cela inclut également la réforme du règlement des différends actuellement discutée au niveau de l'ONU9 en vue de la création d'une cour multilatérale des investissements, avec des juges indépendants et actifs à long terme, qui devraient à l'avenir être davantage recrutés dans les pays du Sud et présenter une parité de genre afin de garantir une plus grande légitimité.


Les initiatives d'investissement dans les infrastructures actuellement prévues au niveau du G7 et de l'Union européenne, qui offrent de nouvelles opportunités aux pays en développement et permettent de mobiliser des capitaux privés supplémentaires, devraient également jouer un rôle décisif dans l'augmentation des flux d'investissement mondiaux en faveur des ODD et dans le comblement du déficit de financement des ODD.

Ces initiatives pourraient être complétées par d'autres initiatives internationales dans les années à venir et être davantage reliées entre elles ainsi qu'avec les instruments nationaux, afin de créer des synergies et d'accroître l'effet incitatif. Enfin, la coopération au développement peut également jouer un rôle important dans ce processus. Des études montrent par exemple pour l'Allemagne une corrélation positive entre les fonds de la coopération au développement et les investissements privés.

En outre, les projets de la coopération au développement peuvent intervenir en amont, par exemple lorsque les investissements directs étrangers ne sont pas encore rentables ou que les conditions nécessaires pour la mise en œuvre des projets n'ont pas été remplies. Globalement, les garanties d'investissement de l'État fédéral évoluent dans un environnement extrêmement dynamique ; il reste à voir quelles seront les conditions-cadres de la politique d'investissement qui les caractériseront dans les années à venir.

 

* Les opinions exprimées dans ce texte sont privées et ne reflètent pas nécessairement la position du Ministère Fédéral de l'Économie et de la Protection du Climat.
1 UNCTAD, Investment Trends Monitor Nr. 38 (2021), p. 5.
2 Ceci., Investment Trends Monitor Nr. 39 (2022), p. 1.
3 Cf. OECD/UNDP, Closing the SDG Financing Gap in the COVID-19 era. Scoping note for the G20 Development Working Group (2021), p. 1 et suivante.; OECD, Global Outlook on Financing for Sustainable Development 2021 (2020), p. 16 et suivantes.
4 Cf. Pour plus d'informations sur les exigences relatives aux garanties d'investissement, visitez également le site Web de l'instrument à l'adresse https://www.investitionsgarantien.de/en/main-navigation/investitionen-investitionsgarantien/grundlagen-investitionsgarantien/grundzuege-investitionsgarantien (récemment consulté le 6.2.2022).
5 L'assureur d'investissement chinois SINOSURE disposait du plus grand portefeuille de garanties en termes de volume en 2021, l'instrument de l'agence japonaise de garantie d'investissement NEXI occupe la troisième place
6 Cf. Rapport annuel des garanties d’investissements. 2020 (Version allemande) p. 32, disponible en ligne https://www.investitionsgarantien.de/news/beitraege/jahresbericht-2020 (Récemment consulté le 6.2.2022).
7 Cf. à cet effet Art. 2 de l’accord MIGA, dans lequel est défini l’objectif de MIGA „shall be to encourage the flow of investments for productive purposes among member countries, and in particular to developing member countries, thus supplementing the activities of the International Bank for Reconstruction and Development […], the International Finance Corporation and other international development finance institutions“.
8 Cf. Rapport annuel des garanties d’investissements 2020 (version allemande), p. 27.
9 Cf. A cet effet le site d’internet : UNCITRAL Working Group III : https://uncitral.un.org/en/working_groups/3/investor-state (Récemment consulté le 6.2.2022).